Depuis le 2 juin 2020, la cour d’appel de Paris a reconnu et adopté la notion de « bore out » en tant que motif, pour caractériser un harcèlement moral dans le cadre professionnel. Décryptage par une avocate spécialisée en droit du travail.
Définition bore out
Le bore out est un concept nouveau dans le droit du travail qui désigne un syndrome d’épuisement professionnel par l’ennui. Ce terme est l’opposé du burn-out qui est une souffrance subie par les personnes qui subissent une charge du travail supérieure à leurs capacités physiques et mentales pendant une période étendue.
En effet, contrairement au burn-out ce syndrome se manifeste lorsque la personne manque de travail et de sollicitations intellectuelles. Ce manque conduit à un ennui profond et une sensation d’inutilité qui provoquent un manque de satisfaction au travail et à un mal-être prolongé.
Le bore out un concept relativement nouveau
Le syndrome de bore out a été conceptualisé par Peter Werder et Philippe Rothlin en 2007.
Ce phénomène n’est pas nouveau mais il a été négligé par les chercheurs et les employeurs en raison de la stigmatisation sociale attachée au bore out et à ses potentiels effets sociétaux.
Selon leur étude, l’absence de tâches signifiantes, plutôt que le stress, constitue un des principaux problèmes des collaborateurs. Ils stipulent que ce syndrome d’épuisement professionnel par l’ennui se caractérise par trois éléments essentiels :
- L’ennui
- L’absence de défis
- Le désintérêt
Le bore-out : un phénomène rependu et dissimulé
Même si nous ne le pensons pas, ce phénomène de mal-être par l’ennui est beaucoup plus répandu dans le monde professionnel que nous ne l’imaginons. En effet, un sondage de Qapa réalisé en février 2019 auprès des 4,5 millions de candidats auprès de 48 % cadres et 52 % de non-cadres est révélateur.
Celui-ci a mis en évidence la gravité de ce phénomène. Effectivement, selon cette étude 63% des Français actifs se sentent en bore-out, c’est-à-dire qu’ils s’ennuient à leur travail. Toutefois, 90 % d’entre eux le cachent.
Le bore out reconnu juridiquement
Depuis le 2 juin 2020, la cour d’appel de Paris a reconnu et adopté la notion de « bore out » en tant que motif, pour caractériser un harcèlement moral dans le cadre professionnel.
Afin d’en comprendre les mécanismes juridiques, nous avons sollicité Charlotte ILTIS, Avocate Associée au sein du cabinet L2 Avocats pour analyser l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 2 juin 2020.
«Le «bore out» (ennui au travail), qui est à l’opposé du «burn-out»(surmenage) peut entrainer la condamnation de l’employeur pour harcèlement moral.
Dans cette affaire, un salarié avait été engagé comme responsable des services généraux dans une entreprise. Suite à une crise d’épilepsie suivie d’une profonde dépression, il avait été placé en arrêt maladie pendant plusieurs mois. S’en est suivi son licenciement pour absence prolongée désorganisant l’entreprise et nécessitant son remplacement définitif. Contestant son licenciement, le salarié a saisi le Conseil de Prud’hommes de PARIS, estimant que son arrêt maladie ayant conduit au prononcé de son licenciement, avait pour seule origine le harcèlement moral que lui avait fait subir son ex-employeur. Selon le salarié, le harcèlement moral était caractérisé par une pratique de mise à l’écart (tâches confiées sans rapport avec sa qualification et ses fonctions contractuelles, affectation à des travaux subalternes « d’homme à tout faire »).
Cette pratique avait entrainé chez lui un «bore-out», cause d’une dégradation de ses conditions de travail, de son avenir professionnel et de sa santé.
Le Conseil de Prud’hommes, puis la Cour d’appel (saisie suite au recours formé par l’employeur) ont donné gain de cause au salarié. Plus précisément, la Cour d’appel, s’appuyant sur des attestations et des mails produits par le salarié, a estimé que ce dernier établissait la matérialité des faits précis et concordants à l’appui d’un harcèlement répété et que pris dans leur ensemble, ces faits permettaient de présumer l’existence d’un harcèlement moral.
Parallèlement, les juges ont relevé que l’employeur peinait à démontrer la matérialité des tâches confiées à son salarié, et qu’il échouait à démontrer que les agissements dénoncés étaient étrangers à tout harcèlement moral. Si plusieurs juridictions ont déjà eu l’occasion de condamner des pratiques de mise à l’écart ou de « placardisation », c’est la première fois qu’une juridiction adopte la notion de « bore out» dans ses motifs, pour caractériser un harcèlement moral. L’employeur doit donc rester vigilent à toujours répondre à son obligation de fournir un travail au salarié en adéquation avec ses compétences et à veiller à son employabilité, ce d’autant plus dans le contexte actuel où bien-être au travail, et marque employeur sont de véritables sujets d’entreprise ».
Charlotte Iltis
Avocat Associé
Spécialiste en Droit du Travail
charlotte.iltis@l2-avocats.com
Le rôle essentiel des managers dans le bien être au travail
La surcharge comme la sous-charge de travail sont des indicateurs essentiels à suivre pour le bien être au travail de vos collaborateurs.
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