Dans un contexte de transformation continue, les professionnels des ressources humaines sont devenus les piliers de l’adaptation organisationnelle. Ils accompagnent les collaborateurs, absorbent les tensions, pilotent les changements, tout en incarnant les valeurs de l’entreprise. Mais à force de prendre soin des autres, qui prend soin d’eux ?
Le baromètre Teale 2025 révèle une réalité préoccupante : la santé mentale des RH se dégrade, atteignant des seuils critiques. Derrière les chiffres, ce sont des femmes et des hommes en première ligne, souvent isolés, sursollicités, et confrontés à une charge émotionnelle intense.
Préserver la santé mentale des RH n’est pas un sujet périphérique. C’est une condition de survie pour les organisations. Car un RH épuisé, c’est un collectif fragilisé, une dynamique sociale en péril, et une capacité d’innovation freinée.
Santé mentale des RH : des signaux d’alerte clairs
Selon le Baromètre Teale 2025, le score moyen de 49/100 à l’indicateur de bien-être de l’OMS (WHO-5) place les RH sous le seuil de la dépression clinique. Ce chiffre alarmant traduit une fragilisation profonde du moral des équipes RH.
Les causes principales :
- Surcharge de travail liée à l’élargissement du périmètre RH (QVT, inclusion, transformation digitale…)
- Pression psychologique face aux crises successives (inflation, IA, restructurations, tensions sociales)
- Hyperconnexion qui brouille les frontières entre vie professionnelle et personnelle
- Déficit de reconnaissance et d’appartenance au sein de l’organisation
Une résilience remarquable… mais fragile
Malgré ces signaux d’alerte, les professionnels RH continuent de faire preuve d’une résilience au-dessus de la moyenne. Avec un score de 65/100, ils démontrent une capacité à tenir, à s’adapter (88 %) et à anticiper les besoins de l’organisation (85 %), même dans un contexte de forte instabilité.
Mais cette résilience ne doit pas masquer une réalité préoccupante : entre fatigue, isolement, baisse de l’estime de soi et émotions négatives, la fonction RH est plus vulnérable en 2025 qu’en 2024.
Selon le baromètre 2025 de Teale, 38 % des RH envisagent même de quitter leur entreprise pour protéger leur santé mentale. Ce chiffre en hausse (+5 points par rapport à 2024) souligne l’urgence d’agir pour préserver leur santé mentale.
Pourquoi la santé mentale des RH est un enjeu stratégique ?
Les RH sont les garants du climat social, les facilitateurs du changement, les interlocuteurs de confiance des collaborateurs. Leur fragilisation a des conséquences directes sur l’entreprise :
- Dégradation du dialogue social.
- Ralentissement des projets de transformation.
- Augmentation du turnover.
- Multiplication des risques psychosociaux.
Préserver leur santé mentale, c’est préserver la capacité de l’entreprise à avancer, à innover, à fédérer.
C’est reconnaître que la fonction RH est un pilier de cohésion et de transformation, et lui donner les moyens de continuer à jouer ce rôle avec sérénité.
Préserver la santé mentale des RH : les leviers d’action
1. Revaloriser la fonction RH
La reconnaissance est un levier puissant de bien-être. Trop souvent perçue comme une fonction support, la RH doit être repositionnée comme un acteur stratégique, au cœur des décisions et des transformations.
Et pourtant, 36 % des professionnels RH ne considèrent pas que leur travail est reconnu et apprécié, soit une hausse de 11 points par rapport à 2024. Ce chiffre traduit un sentiment d’invisibilité et d’usure, qui alimente le désengagement et la perte de sens.
Dans un quotidien rythmé par les urgences, il est essentiel de reconnecter les RH à ce qui fait sens, de valoriser leurs réussites, et de leur redonner de la visibilité au sein de l’organisation.
Pistes d’actions :
- Impliquer les RH dans les décisions clés, dès la phase de réflexion.
- Donner de la visibilité dans les instances dirigeantes et les comités stratégiques.
- Communiquer régulièrement sur leur impact réel dans les projets de transformation, la culture d’entreprise et la performance collective.
2. Utiliser le digital et l’intelligence artificielle à bon escient
Le digital et l’Intelligence Artificielle ne doivent pas être perçus comme des menaces, mais comme des alliés précieux pour soulager le quotidien des RH. Bien intégrés, ces outils permettent de réduire la charge mentale, de fluidifier les processus, et de libérer du temps pour les missions à forte valeur humaine.
Pistes d’actions :
- Automatiser les tâches répétitives et chronophages (paie, gestion des absences, reporting).
- Centraliser les données RH dans des outils intuitifs pour éviter les pertes d’information et les doubles saisies.
- Faciliter le quotidien grâce à l’utilisation de l’IA (chatbot RH, analyse automatique des CV, rédaction de documents…)
3. Protéger l’équilibre vie professionnelle / vie personnelle
L’équilibre entre vie pro et vie perso est un pilier de la santé mentale. Les RH doivent pouvoir bénéficier du même niveau de protection que les autres collaborateurs.
Pistes d’actions :
- Respect strict du droit à la déconnexion.
- Encouragement à prendre des congés sans culpabilité.
- Limitation des urgences RH à ce qui est réellement critique.
4. Clarifier les rôles et poser un cadre aux échanges
Les RH sont souvent sollicités pour des sujets sensibles, émotionnels ou personnels. Il est essentiel de définir clairement leur périmètre d’intervention pour éviter les confusions de rôle et préserver leur énergie mentale.
Pistes d’actions :
- Poser un cadre aux échanges avec les collaborateurs.
- Rappeler les objectifs des entretiens RH : accompagner, orienter, proposer des solutions.
- Encourager une posture professionnelle, sans confusion des rôles.
5. Mobiliser des ressources externes en cas de surcharge
Les RH ne doivent pas porter seuls les périodes de surcharge ou les projets complexes. Il est essentiel de pouvoir s’appuyer sur des partenaires spécialisés, capables d’apporter un renfort ponctuel ou stratégique.
Pistes d’actions :
- Externaliser certaines fonctions RH (paie, SIRH, recrutement) pour alléger la charge.
- Faire appel à des experts pour accompagner les transformations sensibles ou les projets de conduite du changement.
- Créer un réseau de soutien RH pour mutualiser les ressources, partager les bonnes pratiques et rompre l’isolement.
Conclusion
La santé mentale des RH est un enjeu trop souvent sous-estimé, alors qu’elle conditionne directement la capacité des organisations à se transformer, à fédérer et à durer.
Face à une fonction exposée, sursollicitée et parfois isolée, il est urgent de passer d’une logique de soutien ponctuel à une stratégie globale d’accompagnement.