Les technologies et la digitalisation se développent dans de nombreux métiers et la Paie ne fait pas exception. De nombreux outils digitaux, nomment des logiciels de paie, existent pour accompagner les gestionnaires dans leur quotidien afin de faciliter leurs tâches et/ou répondre à des enjeux comme le choix de faire du “zéro papier”. Malgré les nombreux bénéfices apportés par ces outils, leur usage n’est pas suffisamment généralisé. Nous expliquons ici en quoi la digitalisation de la paie, mise en place et utilisée à bon escient, est indispensable.

La digitalisation de la Paie : un retard à rattraper

Des méthodes encore archaïques

Il est à peu près acté que la modernité et la performance d’une entreprise s’observent entre autres par le prisme des outils informatiques et logiciels qu’elle utilise, même si bien sûr, cela ne fait pas tout ! Cependant, dans de nombreuses sociétés, la méthodologie et les outils utilisés dans les services Paie laissent penser qu’elle évolue dans un autre temps.

En effet, l’usage du papier est encore une norme dans certains services Paie, qui stockent tous les documents administratifs dans des classeurs et impriment notamment tous les bulletins de Paie afin de réaliser les contrôles de Paie manuellement. Ces contrôles sont parfois collectifs, ce qui nécessite d’imprimer chaque bulletin en plusieurs exemplaires afin que 2 ou 3 salariés les vérifient chacun de leur côté. En plus du sujet écologique, ces méthodes prennent un temps considérable et monopolisent les gestionnaires de Paie pour des tâches à faible valeur ajoutée et facilement automatisables.

Lorsque les processus sont dits “digitalisés”, ils sont parfois simplement gérés avec des fichiers Excel. Certes, c’est un bon début, et un fichier Excel bien paramétré peut permettre de faire énormément de choses, mais ce sont généralement des fichiers complexes et indigestes qu’il faut constamment compiler et vérifier. Pour preuve, un éditeur de logiciel de gestion financière, révélait que 88% des feuilles de calcul contiennent des erreurs.

Les freins à la digitalisation

Entre l’existence des outils adéquats et la situation difficile des services Paie, on peut se demander pourquoi toutes les entreprises ne sont pas à la pointe de la digitalisation pour la Paie. Tout simplement, car il existe encore de nombreux freins suffisamment bloquants pour que la direction ne passe pas le pas. Deux freins principaux à la digitalisation d’un service Paie sont à noter selon nous : le coût de mise en place et le coût d’entretien.

Investir dans des outils sur mesure implique un coût financier, du temps pour les équipes déjà sollicitées, et une collaboration complexe entre Paie et SI. Faire appel à un acteur externe peut faciliter le déploiement, mais ajoute un coût et une coordination supplémentaire, sans possibilité de mettre le service Paie en pause.

Le coût d’entretien se traduit dans le fait qu’une digitalisation ne peut se faire une bonne fois pour toutes. Une fois l’implémentation des outils effectuée, le paramétrage, les mises à jour et l’amélioration de l’usage nécessitent une attention continue. Si les équipes n’ont pas de temps à accorder à l’optimisation des outils, ils peuvent rapidement devenir un poids plus qu’une aide. Pour le contrôle de la DSN (Déclaration Sociale Nominative) par exemple, de nombreux services Paie font confiance au logiciel, qui peut être mal paramétré. Les gestionnaires de Paie s’en rendent souvent compte trop tard, au moment d’un contrôle de l’URSSAF.

 

Digitaliser la Paie : de nombreux bénéfices

Gain de temps et fiabilisation

Les avantages de la digitalisation d’un service Paie ne sont pourtant plus à démontrer. Le bénéfice premier, car observable immédiatement, est le gain de temps. Grâce à la technologie, le temps de traitement de la Paie est drastiquement réduit. La mise en place d’un logiciel peut être complexe, comme ça a été le cas lors du passage à la DSN, qui a vu de nombreux gestionnaires de Paie s’arracher les cheveux. Mais le résultat en vaut la chandelle : les outils opérationnels facilitent largement leur quotidien et leur permettent d’aborder leur travail avec plus de sérénité.

Le gain de temps s’accompagne d’une hausse de la fiabilité des données. Les logiciels de Paie, conçus pour minimiser les erreurs, évitent les problèmes qui peuvent facilement passer inaperçus dans un fichier Excel. Ils peuvent collecter les données et réaliser des contrôles de cohérence de manière automatisée, ce qui permet de limiter les contrôles manuels.

 

La digitalisation de la Paie pour plus de valeur ajoutée

La digitalisation du service paie entraîne une évolution des compétences nécessaires à son bon fonctionnement. Les gestionnaires de Paie doivent avoir une appétence informatique et un minimum de connaissances techniques pour être capables de prendre en main les outils, mais surtout de les challenger. Leur rôle est maintenant aussi d’optimiser ces outils pour les adapter à des besoins qui évoluent et se précisent jour après jour. Les équipes doivent maîtriser pleinement les outils pour ne pas les subir, mais en faire une force, en étant formées à toutes leurs fonctionnalités.

Ceci étant fait, le gain de temps et l’automatisation du traitement des tâches les plus répétitives permettent aux gestionnaires de Paie de se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée, comme l’analyse et l’interprétation des données, la veille en droit social ou l’accompagnement à la prise de décision RH. Ils ont alors plus de crédibilité auprès de leurs collègues, qu’ils peuvent informer et conseiller grâce au temps qu’ils peuvent dédier à de la pédagogie. Ils peuvent également être impliqués dans le déploiement de politiques RH, de rémunération, ou de bien-être des salariés. En bref, le service Paie prend une dimension beaucoup plus stratégique, ce qui est positif pour l’entreprise autant que pour les salariés de la paie qu’il faut justement mieux valoriser.

De nouveaux enjeux auxquels répondre

S’il est impossible d’anticiper précisément les prochains changements liés à la digitalisation des services Paie, on peut tout de même affirmer que la digitalisation n’a pas fini de transformer le métier. Les logiciels vont de plus en plus vers des systèmes tout intégrés, pour faciliter la prise en main et limiter le nombre d’outils différents nécessaires pour faire tourner un service.

En outre, les plus grandes évolutions devraient être apportées par le développement de l’intelligence artificielle et du big data. On tendrait alors vers une gestion prédictive de la paie et de la rémunération, qui ferait du service Paie non plus uniquement un centre de coût, mais aussi une activité créatrice de valeur.

Des facteurs externes pour favoriser la digitalisation

La réglementation

Les changements de réglementations poussent souvent les logiciels de Paie à évoluer en termes de fonctionnalités, ce qui oblige à les mettre à jour pour éviter qu’ils ne deviennent obsolètes. On le voit bien avec l’historique des méthodes de traitement de la Paie.

Les changements de la DAS (Déclaration Annuelle des Salariés), qui se faisait au départ sur papier, vers un modèle de transfert des données sociales puis vers l’historisation des données en paie, avec un besoin de gestion de données en masse, est clairement à l’origine des besoins en logiciel de Paie. Le passage vers la DSN, modèle de déclaration mensuel, a contraint les éditeurs à soutenir opérationnellement parlant ce projet étatique, en adaptant la structure des logiciels.

La DSN évolue avec la mise à niveau annuelle de la loi. France Travail (ex Pôle Emploi) adapte également ses actions aux grands chantiers qu’il décide de mener, comme la FCTU, visant à simplifier la déclaration des contrats courts de moins d’un mois et à réduire les cas spécifiques. Les décisions gouvernementales sur le sujet de la retraite font aussi évoluer la DSN et donc les fonctionnalités logicielles associées.

Le rôle des éditeurs

Les éditeurs ont également un rôle à jouer pour encourager les entreprises à digitaliser leur service Paie. Certains éditeurs peinent à suivre le rythme des réglementations et à mettre à jour leurs logiciels suffisamment vite et suffisamment bien. La problématique de la rétroactivité n’est, par exemple, pas traitée par tous les logiciels. Ce problème devient crucial lorsque, par exemple, un changement de statut d’employé à cadre n’a pas été transmis au service RH à temps, rendant indispensable un traitement rétroactif.  Les entreprises ne vont pas entamer des projets de digitalisation avec des outils qui ne répondent pas précisément à leurs besoins, il est donc primordial pour les éditeurs d’être toujours à la pointe de la technique.

De manière plus poussée, les éditeurs peuvent être proactifs et anticiper des besoins spécifiques pour lesquels ils développent des fonctionnalités logicielles. Dans le secteur médical, la direction des systèmes d’information (DSI) se voit parfois obligée de développer des applicatifs spécialisés que les éditeurs ne proposent pas.

Mis à part sur quelques points précis, les éditeurs sont à peu près tous équivalents en termes de fonctionnalités techniques. Il faut donc les challenger sur les services annexes fournis, qui sont un critère de différenciation, et donc de choix, pour leurs clients. La collecte des indicateurs est-elle simple ? Quelles sont les modalités de la maintenance applicative ? Quelle garantie de réactivité pour effectuer des modifications ? Si une entreprise reçoit une réponse satisfaisante à ces questions, elle sera plus à même de s’engager dans un projet de digitalisation.

La formation

La formation, initiale ou continue, peut aussi venir soutenir les projets de digitalisation des services Paie. Certains DRH et consultants RH reprochent à la formation initiale de manquer d’adaptation, la jugeant trop théorique et superficielle sur la partie technique, car elle ne couvre pas la diversité des outils que les gestionnaires de Paie utiliseront. Il faudrait envisager des formations complémentaires par secteur ou verticale de marché afin de pouvoir entrer plus en détail sur les outils associés.

En formant mieux les recrues Paie à la gestion des outils et en les sensibilisant davantage à la problématique de la digitalisation, elles deviennent prescriptrices des projets de digitalisation et rassurent leur direction sur leur capacité à en assurer la mise en œuvre.